Catégories
Tribunes

Driss Aït Youssef – La sécurité dans les transports

La France a connu en 2015 des attentats d’une ampleur inédite. Inédite de part le nombre de victimes et inédite de part le mode opératoire.  Ces évènements tragiques ont conduit notre Pays à prendre des dispositions exceptionnelles en vue d’assurer la sécurité des français. Parallèlement et dans le prolongement de la tentative d’attentats dans le Thalys en août 2015, le ministère de l’intérieur, le Parlement et les établissements publics de transports (RATP et SNCF) ont décidé de muscler leurs dispositifs de sécurité. C’est dans cet état d’esprit que le législateur a voté le 22 mars 2016 une loi relative à la lutte contre les incivilités dans les transports étaient déjà applicables aux agents de sûreté aéroportuaire. La sureté aéroportuaire n’est pas en reste puisqu’elle a vécu dans les années 2000, une grande mutation consécutivement aux attentas du 11 septembre 2001.

Historiquement, la loi du 21 janvier 1995 dite loi PASQUA impose aux exploitants d’assurer la sécurité des personnes et des biens. La sécurité dans les transports publics repose sur un principe bien établi de coproduction de sécurité entre la puissance publique et les professionnels de la sécurité privée.

S’agissant d’abord de la puissance publique, un service du ministère de l’intérieur, le service national de la police ferroviaire est dédié à la sécurité dans les transports.

S’agissant ensuite de la sécurité privée, les transporteurs parapublics disposent de services internes. Le service de sécurité de la SNCF compte 2 800 agents tandis que celui de la RATP en compte 1 250. La loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités a introduit plusieurs innovations comme l’inspection des bagages (avec le consentement des propriétaires), et les palpations de sécurité. En cas de refus, les agents de sécurité peuvent refuser l’accès au wagon ou enjoindre l’individu à descendre du train. Cette loi comporte de bonnes avancées même si elle arrive plus de 10 ans après les attentats de Madrid (2004) et Londres (2005).

Par ailleurs et comme le rappelle le professeur de droit Xavier LATOUR, ces deux forces ont la particularité d’être à mi-chemin entre les forces de police et de gendarmerie et la sécurité privée. Aux premières, les agents de la RATP et de la SNCF ont emprunté le port d’une arme et disposent de pouvoirs de police à l’image des policiers et des gendarmes. Aux secondes, les agents de sécurité ont emprunté un cadre d’intervention restreint dans une emprise déterminée et dans un registre exclusivement préventif.

S’agissant enfin des aspects techniques, le Sénat a amendé l’article 10 de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs pour permettre une transmission en temps réel des images vers les services de police et de gendarmerie.

Il s’agit, ensuite, d’aborder la sureté arienne en écho aux attentats de Bruxelles et plus récemment encore d’Istanbul dont le bilan provisoire est de 45 morts et environ 239 blessés. Ces attentats ont presque le même mode opérateur avec des kamikazes munis d’explosifs. Toutefois, les dispositifs de sécurité dans les aéroports étaient différents. A Bruxelles, il n’existent pas de filtrage à l’entrée du terminal ce qui n’a pas été le cas à l’aéroport international Atatürk. Ce dispositif préventif a probablement permis un bilan plus lourd en Turquie. Les premiers éléments semblent exclure des complicités au sein de l’aéroport d’Istanbul. En effet, les terroristes sont entrés en usant de la force armée dans le terminal tandis que le troisième s’est fait explosé à l’entrée. L’objectif était, dans un premier temps, d’abattre le plus grand nombre d’individu au fusil d’assaut puis d’activer, dans un second temps, leurs charges explosives à proximité des otages.

En France, il existe plusieurs dispositifs de sureté aérienne et de sureté aéroportuaire.

En matière de sureté aérienne, plusieurs services ou ministères sont engagés dans la protection des aéronefs. De même que plusieurs règlementations internationales et européennes régissent ce secteur. Les principales sont l’annexe 17 de l’OAIC et le règlement CE 300/2008.

Ces dispositions permettent d’embraquer des gardes armés dans les aéronefs même si ce dispositif ne séduit pas les compagnies en raison des dangers pouvant déboucher sur une bataille en vol mettant ainsi la vie des passagers en danger.

Un autre dispositif PIRATAIR peut être mis en œuvre dans le cadre d’une prise d’otages dans un aéronef à l’image du détournement du vol Paris-Alger d’Air France en décembre 1994. Dans ce cas de figure, le RAID ou le GIGN est sollicité pour employer la force armée contre les preneurs d’otages.

En matière de sureté aéroportuaire, la sécurité des biens et des personnes relève d’une association entre la police et la gendarmerie d’une part et la sécurité privée, d’autre part.

S’agissant des acteurs publics, la police et la gendarmerie sont mobilisées pour le contrôle des passagers et dans la sécurité des infrastructures. La police agit essentiellement coté ville et la gendarmerie intervient coté piste.

La sécurité privée a essentiellement pour mission d’inspecter les bagages à main et d’assurer des palpations de sécurité. Ces agents sont soumis à une double réglementation. D’abord européenne avec le règlement UE 300/2008 du 11 mars 2008 relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation. Ensuite, avec l’article L611-1 du code de la sécurité intérieure réglementant les activités privées de sécurité dont faite partie la sûreté aéroportuaire. Cette double réglementation produit un double agrément. En effet, les agents de sureté sont soumis à un double agrément. D’abord celui du procureur de la république et du préfet pour procéder à des palpations de sécurité et l’inspection des bagages (article L6342-4 du code des transports), ensuite, un autre agrément délivré par le préfet pour accéder aux zones de sureté à accès règlementés (Article L6342-3 du code des transports).

Après les attentats du 11 septembre, le Gouvernement a voté une loi sur la sécurité quotidienne (LSQ du 15 novembre 2001) qui autorise, désormais, les agents de sûreté aéroportuaire à inspecter les bagages à main et procéder à des palpations de sécurité.

Par ailleurs, la société des aéroports de Paris met à la disposition des moyens techniques de détection comme des portiques de passagers, des scanners à rayon X pour les bagages en cabines et bagages en soute. D’une manière générale, ces outils sont performants pour détecter des armes et explosifs. En revanche, la détection des mélanges liquides pouvant causer des dégâts dans la carlingue restent perfectibles.

ADP a, par ailleurs prévu, d’installer plusieurs milliers de caméras et améliorer l’utilisation des sas parafe (système permettant de gagner du temps lors du contrôle aux frontières).

En conclusion, nos dispositifs de sécurité s’améliorent souvent dans la confusion en l’absence de débats sur le rôle que doit tenir la puissance publique en la matière. En effet, l’État n’a plus les moyens d’assurer toutes ses missions de sécurité. Il doit, donc, en transférer une partie au secteur privé comme il le fait avec le transport de valeurs, la protection maritime et demain la protection rapprochée des personnes sensibles et probablement la surveillance des détenus. Toutefois, la puissance publique ne peut envisager de nouveaux transferts de missions voire de pouvoirs sans avoir préalablement redéfini son rôle. A défaut, le législateur transfèrera des missions souvent dans l’urgence risquant ainsi de créer des risques juridiques comme pour les gardes armés sur les navires ou encore les agents de sécurité privée dans les transports en commun.