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Driss Aït Youssef – EURO 2016 & SÉCURITÉ

Euro 2016

Entre le 10 juin et le 10 juillet 2016, 24 équipes de football joueront 51 rencontres sportives dans 10 stades en France (Paris, Saint-Denis, Lille, Lens, Lyon, Bordeaux, Saint-Etienne, Toulouse, Marseille, Nice). Ces rencontrent devraient attirer environ 7 millions de visiteurs.

Fans zone c’est quoi ?

Selon la circulaire du ministère de l’intérieur n° NORT INTK1504900J du 5 mars 2015, la fans zone est un espace de retransmission de la compétition sur un ou plusieurs écrans géants au sein de la ville hôte. La fans zone n’est pas seulement un lieu de retransmission mais elle peut, également, servir de lieu d’animation, de restauration ou de promotion d’initiatives sportives ou culturelles. Un fans zone peut accueillir en fonction de sa superficie entre 20 000 et 100 000 personnes.

La sécurité des 10 fans zones couteront environ 24 M€ avec un cofinancement entre la ville accueillante, l’État et l’UEFA. Le niveau de sécurité dépendra de la classification des matchs. Il faudra définir la sensibilité des sites pour proposer une réponse adaptée ce qui semble avoir été fait. Seulement, de nouvelles estimations poussent à reconsidérer le montant des fans zone à plus de 30 M€.

 

Les stades et dans les résidences des équipes.

Il n’y aura pas que les fans zones à sécuriser. Il faut considérer les stades et les résidences des footballeurs comme des lieux sensibles.  Les stades font et feront l’objet de mesures particulières. Un règlement de la FIFA sur la sûreté et la sécurité des stades du 14 décembre 2012 en vigueur depuis le 1er janvier 2013 fixe les modalités d’évaluation et de mise en œuvre de mesure de sûreté et de sécurité.

Par ailleurs, ce document fixe le nombre à titre indicatif de 1 stadier pour 250 spectateurs pour un match à faible risque et de 1 pour 100 spectateurs pour les matchs. Cette dernière cotation pourrait s’appliquer à la France.  Par ailleurs, l’édition 2010 du règlement de l’UEFA sur l’infrastructure des stades ne détermine pas d’obligation de sécurité pour les stades. L’UEFA met cette mission de sécurité à la charge de la fédération française de football[1].

Enfin, certaines résidences seront directement sécurisées par des services officiels des délégations. Les autres résidences seront assurées par des agents de sécurité.

La compatibilité avec les mouvements populaires :

Cet événement sportif n’arrêtera pas, même de manière temporaire les autres évènements populaires. Au contraire, l’accueil de millions de touristes est toujours un moment propice pour promouvoir des spécificités régionales. C’est d’ailleurs, l’un des objectifs des fans zones : « montrer les produits du terroir ». Il y aura donc un besoin important de sécurité que la police et la gendarmerie nationales ne pourront assumer seules.

 

Les autres lieux recevant du public :

Par ailleurs, les lieux touristiques, de rassemblements et les établissements recevant des publics (magasins, gares, aérogares…) sont et resteront des lieux sensibles qu’il faudra protéger.

 

La prorogation de l’état d’urgence :

L’état d’urgence amputé des perquisitions administratives est prorogé durant l’euro 2016 et le tour de France. Cette mesure vise à permettre aux préfets de restreindre certaines libertés en vue d’assurer l’ordre et la sécurité publics.

Elle vise à faire un lien notamment avec des assignations à résidence d’individus susceptibles de troubler l’ordre public. Nous ne sommes plus dans la lutte contre le terrorisme.

 

La loi luttant contre le hooliganisme :

La loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme du député LARRIVÉ prévoit d’autoriser les organisateurs à refuser la vente ou annuler l’émission de billets à des supporters. Si cette loi participe à la sécurité des évènements sportifs, on peut s’interroger sur la présence de ces supporters violents dans les fans zone ce que n’interdit pas la loi. L’état d’urgence pourrait pallier à cette carence même si cela reviendrait à poser la loi relative à l’état d’urgence comme une disposition visant à lutter contre la délinquance ce qui n’est pas son objectif ultime.

 

La place de la sécurité privée :

La sécurité privée compte près de 170 000 hommes et femmes. La problématique pourrait venir des effectifs féminins afin de procéder aux palpations de sécurité des femmes. Les agents privés de sécurité ne font pas de maintien de l’ordre. Ils doivent apparaître comme une force d’appoint et non comme une force de remplacement au risque de transférer illégalement un exercice de souveraineté nationale. Leur rôle reste, strictement, préventif.

Lors de cet événement, les agents de sécurité devront effectuer environ 2,5 millions de palpations de sécurité. Chaque match mobilisera près de 900 agents de sécurité. Les organisateurs estiment que 10 000 agents de sécurité seront mobilisés pour cette compétition.  Ce chiffre est largement sous-estimé si l’on prend en considération les lieux touristiques, sportifs ainsi que les infrastructures de transports.  Il faudrait multiplier au moins par deux les besoins en matière de sécurité privée.

Pour anticiper cette demande, le législateur en partenariat avec la profession a produit un CQP surveillance des grands évènements destiné à accélérer le recrutement et la formation de stadiers.

La question des agents de sécurité armés dont le périmètre et la nature de ces missions restant à fixer n’entre pas, a priori, dans la réflexion de l’organisation de cet évènement.

 

Conclusion :

Le risque zéro n’existe pas. Toutefois, il est permis d’émettre un sérieux doute sur la capacité de l’État à coordonner la sécurité publique de cet événement incluant les opérateurs privés de sécurité. D’ailleurs, la sécurité lors de la finale de la coupe de la ligue au stade de France confirme cette analyse. Ce qui est reproché à l’administration ce n’est pas d’avoir testé un nouveau dispositif c’est d’avoir tenté de l’expérimenter seule sans l’avis ou les conseils de la société de gardiennage pourtant experte de ces sujets.

C’est ainsi que la délégation interministérielle aux grands évènements sportifs a produit un plan national de mobilité sans associer les opérateurs de sécurité privée pourtant maillon essentiel dans la sécurité des transports et plus généralement encore.

Par ailleurs, la délégation interministérielle évoque une stratégie définie par le ministère de l’intérieur qui repose sur des copil (comité de pilotage) sécurité dans chaque département. Aucune information n’est, aujourd’hui, disponible sur la suffisance des forces de sécurité.

Enfin et si les exercices se multiplient pour faire face aux attentats, aucune formation n’a été dispensée auprès des agents de sécurité pour détecter des comportements suspects ni même perfectionner l’utilisation de matériels de détection d’armes alors même que les reportages récents ont montré des utilisations inefficaces.